La lutte intégrée : procédés de lutte

La protection de nos cultures doit penser à l'environnement et à la biodiversité. Il existe des solutions durables pour garder nos récoltes en bonne santé. La lutte intégrée est une méthode efficace qui combine plusieurs approches pour gérer les ravageurs. Elle vise à préserver nos cultures de manière écologique.

Protéger vos cultures sans les agresser : la lutte intégrée
Protéger vos cultures sans les agresser : la lutte intégrée

Introduction à la lutte intégrée 

La lutte contre les insectes est habituellement menée par voie chimique. Cette voie a la faveur des agriculteurs à cause de sa simplicité et de sa relative rapidité. Elle est d'ailleurs bien dans la mentalité du monde moderne qui demande toujours des remèdes curatifs à ses problèmes, alors qu'il refuse l'effort des solutions préventives.

La lutte chimique contre les insectes a pris un essor important à la fin de la dernière guerre avec l'apparition des insecticides de synthèse, notamment le Lindane et le DDT. Cependant, cette approche, popularisée a révélé plusieurs inconvénients.

Résistance des ravageurs

En quelques années, de nombreux insectes sont devenus résistants aux insecticides. Cinq ans après l'utilisation du DDT, on parlait déjà de mouches résistantes. Puis on s'est aperçu qu'au lieu de supprimer les problèmes, on en créait souvent de nouveaux.      

Perturbation écologique 

La suppression d’un ravageur crée parfois un déséquilibre, encourageant la prolifération d’autres nuisibles. La disparition d'un ravageur laissait la place à un autre, ou bien la destruction des ennemis naturels des insectes encourageait la multiplication d'autres ravageurs.

Résidus toxiques

L’impact des produits chimiques sur les récoltes a suscité des préoccupations croissantes.

Plusieurs méthodes ont été essayées. Certaines l'étaient déjà depuis très longtemps. On s'est aperçu qu'il était souvent difficile de se sortir d'un problème en utilisant une seule méthode. C'est pourquoi on a créé le terme de "lutte intégrée" qui désigne une lutte utilisant plusieurs systèmes différents.

La lutte intégrée vise à diminuer les nuisibles de façon durable. Elle respecte aussi l'environnement. Cette méthode utilise la prévention, la surveillance et des moyens de lutte raisonnés.

1. Définition des Objectifs de la Lutte Intégrée

La première question qui se pose est de savoir quelle est la limite qu'il est intéressant d'assigner à un ravageur.

En effet, il est malheureusement fréquent que les agriculteurs déclenchent des traitements dès qu'ils aperçoivent un insecte, ou bien ils font des traitements préventifs qui sont absolument superflus. Ils raisonnent comme si les populations de ravageurs devaient obligatoirement évoluer défavorablement. Heureusement ce n'est pas toujours le cas.

1.1. Seuils de tolérance et de nuisibilité 

La première notion à dégager est celle de seuil de tolérance : il s’agit du seuil au-dessous duquel la population peut exister sans représenter de danger pour les cultures. On parle de seuil de nuisibilité : c’est celui au-dessus duquel des dommages sont faits à la culture.

Entre ces deux seuils, la population existe et constitue une menace, mais ne cause pas encore de dégâts. Quand on arrive entre ces deux seuils, la lutte chimique peut être recommandée. Ceci implique donc qu’on soit renseigné sur la population existante.

1.2. Techniques de surveillance des populations

Pour cela on peut, procéder à des comptages directs sur les plantes ; on peut recueillir des acariens au moyen de brosses, on peut attirer des papillons par des pièges lumineux ou à attractifs sexuels.

Dans certains pays, on utilise la photographie aérienne aux infra-rouges pour voir l'extension de certaines maladies.

Mais ce n'est pas tout de connaitre le chiffre de la population. Il faut également interpréter ce que ce chiffre veut dire.

1.3. Interprétation des données

La notion de seuil de tolérance est trop élémentaire et en réalité, il faudrait estimer si la population existante au moment du comptage peut évoluer en se multipliant ou au contraire en décroissant naturellement.

L’interprétation des chiffres dépend de plusieurs facteurs :

  • Stade végétatif de la plante : certaines phases rendent les cultures plus vulnérables.

Par exemple, sur agrumes, la population de pucerons continuera à augmenter si les arbres sont en période de poussée végétative par beau temps. Par contre, si la pousse se termine et que les feuilles durcissent, elles ne sont plus réceptives pour les pucerons et il n'y a plus de dégâts possibles. Le traitement est alors complétement inutile.

Autre exemple, la teigne de la pomme de terre est dangereuse sur les jeunes plants de tomate dont le diamètre est égal ou inférieur à celui d'un crayon, Mais dès que les plante de tomate ont dépassé ce stade, ils ne sont plus réceptifs à la teigne.

Ce ravageur peut continuer son évolution dans les pétioles des feuilles, mais la perte d'une feuille est d'une conséquence beaucoup moins grave que la mort de la tige. Les traitements n'ont alors plus besoin d'être effectués.

  • Conditions météorologiques : les chiffres doivent s'interpréter en fonction du temps.

Prenons l’exemple du mildiou de la pomme de terre. On sait que 7 jours environ après la contamination, la tache apparait sur la feuille de la pomme de terre ou sur la tige et commence rapidement à produire des spores qui vont disséminer la maladie.

Ces taches vont émettre des spores durant 5 jours environ. Si le temps est beau et si 12 jours après une pluie dangereuse aucune tâche n'est apparue sur le champ, cela veut dire que le champ n'est pas contaminé et que même si une pluie survient, il n'y aura pas de développement de la maladie. Dans ce cas le traitement contre le mildiou est inutile.

Citons un autre exemple. Il est bien connu que les populations d'acariens ne peuvent pas se développer par temps pluvieux. Au contraire, elles régressent, Donc quand il pleut, il est inutile de traiter contre les acariens.

En effet, l'humidité favorise plus le développement de champignons parasites des acariens, qu'elle ne gêne les acariens eux-mêmes. On sait que ces champignons exigent pour se développer la présence d'eau pendant 12 heures à 20°, si ces conditions se réalisent par exemple tous les 10 jours, le développement des acariens est absolument contrôlé par les champignons.

  • Présence d’auxiliaires naturels : on peut aussi estimer le danger des insectes par rapport à la population entomophage présente.

Si sur les feuilles d'agrumes, envahies par les pucerons, on trouve un minimum d’un syrphe présent en moyenne pour chaque feuille, on peut considérer que la population de pucerons sera entièrement contrôlée par les syrphes.

Même si on ne trouve pas de syrphes sur les feuilles, on peut estimer la présence des adultes dans le verger par observation directe du vol de ce prédateur. Dans certains pays, on utilise même des bacs de couleur jaune qui attirent les syrphes et donnent ainsi une idée du potentiel auxiliaire.

La même attitude peut être adoptée vis à vis des cochenilles. Avec un peu d'attention on peut estimer le nombre d'entre elles qui sont naturellement parasitées.

2. Procédés de Lutte

Une fois qu'on est en possession des renseignements sur le ravageur à combattre, il faut prendre une décision de lutte. La lutte immédiate n'est d'ailleurs pas toujours possible. Beaucoup des procédés dont nous allons parler sont surtout préventifs.

Le caractère curatif passe presque toujours par la voie chimique. La voie chimique étant traitée dans un autre chapitre, nous parlerons ici de toutes les autres méthodes possibles.

2.1. Procédés psychiques

On appelle tropisme ou taxie, une modification de l'axe principal de déplacement d'un animal provoqué par une source d'excitation et suivie du mouvement de l'animal suivant la direction de cette source. Cette source, ou stimulus, peut être physique, chimique ou mécanique. Le tropisme est positif si l'animal se dirige vers le stimulus et négatif s'il cherche à s'en éloigner.
  • Phototropisme : exploiter l’attirance des insectes nocturnes pour la lumière (méthode d’observation). 
Les insectes crépusculaires et nocturnes sont généralement attirés par la lumière artificielle. Cette méthode utilisée autrefois est peu efficace. Elle n'est plus utilisée que comme moyen d'observation. La lumière noire est parfois plus efficace.

Dans la journée le bleu diminue l'activité de la mouche domestique, d'où l'habitude de peindre en bleu les vitres des étables.

Les pucerons sont attirés par le jaune.
  • Stéréotropisme : utilisation d’abris artificiels pour piéger certains insectes. 
Certains insectes se réfugient dans des crevasses ou sous des abris. Méthode utilisée pour compter les chenilles de carpocapse.
  • Chimiotropisme : utilisation de substances attractives (pièges à phéromones, appâts empoisonnés). 
Le stimulus est un produit chimique. C'est un procédé très utilisé contre :

* Cératite (piège à trimedlure)
* Vers gris et courtilière (son)
* Escargot (granulés à base de son).

La méthode des pièges est utilisée la plupart du temps pour surveiller les vols des phytophages. Ils sont alors munis d'un produit attractif. Dans le passé on a essayé de contrôler entièrement certains insectes en multipliant le nombre de pièges et en adjoignant un insecticide à l'attractif.

C'était la méthode conseillée contre la dacus en Italie avant l'invention du Diméthoate.

Les répulsifs sont utilisés quelquefois, sulfate de fer ou cuivre huileux pour les escargots.

Les mâles de diverses espèces d'insectes sont attirés vers les femelles par des phéromones, substances odorantes émises par ces dernières. On peut utiliser cette propriété pour attirer les mâles dans les pièges où l'on dépose comme attractif soit des femelles vierges, soit des phéromones elles-mêmes. On peut ainsi dresser une courbe d'évolution des populations.

2.2. Méthodes culturales

La rotation des cultures est le premier procédé à citer, encore que cela ne soit pleinement efficace que si des adventices ne servent pas d'hôtes de relai pour les parasites, ou si la plante cultivée ne favorise pas elle-même le parasite, (exemple du Taupin qui se développe sur pomme de terre et luzerne).

2.3. Méthodes génétiques

a) Utilisation de variétés résistantes :

Une plante peut être résistante parce qu'elle ne plait pas à l'insecte, par la couleur, la forme des fruits, la dureté des tissus, la composition chimique.

b) Utilisation de porte-greffes résistants :

* Vignes américaines résistantes au Phylloxera
* Citrange carrizo résistant aux nématodes
* Porte-greffes de pommiers résistants au puceron lanigère
* Porte-greffes des agrumes résistants aux viroses.

2.4. Procédés mécaniques

Citons d'abord le ramassage à la main, encore utilisé pour les escargots. Les bandes gluantes ne sont plus utilisées, mais en ESPAGNE, on ensache encore les raisins dans du papier.

Les barrages de toiles ou de tôle étaient utilisés autrefois conjointement avec les fossés et les lance-flammes pour lutter contre les criquets. On utilise également des filets de fibre synthétique pour protéger les raisins et les sorghos contre les oiseaux.
On protège les troncs des arbres des jeunes plantations contre les lapins au moyen de grillage ou de gaines plastiques.

On peut tirer au fusil dans les "nids" de chenilles processionnaires. Les chenilles tuées rendent le nid inhabitable pour les autres.

2.5. Agents physiques

La vapeur est utilisée pour la désinfection des serres, l'incendie des chaumes contre la cécidomyie, la submersion contre le phylloxéra. La méthode acoustique est utilisée comme répulsif contre les sauterelles et les moineaux en maraichage. Mais les pétards et les détonateurs ne sont pas longtemps efficaces.

La façon moderne consiste à enregistrer le cri de détresse de l'espèce dont on veut se débarrasser et à le diffuser par hautparleur. Le procédé est très efficace contre les étourneaux et les corbeaux. Les poudres déshydratantes sont utilisées dans certains pays pour lutter contre les charançons des grains.

On a essayé aussi de rompre prématurément la diapause hivernale par éclairage artificiel ou au contraire de la retarder en été et en automne pour que l'insecte aborde l'hiver à un stade fragile.

La stérilisation des mâles a réussi dans certains pays. Le principe consiste à irradier des mâles avec une dose de cobalt 60 suffisante pour les stériliser mais insuffisante pour les tuer. Pour l'accouplement, ils rentrent en concurrence avec les mâles normaux, mais la descendance est stérile.

Pour que la méthode soit vraiment efficace, il faut qu'il y ait près de dix mâles stérilisés pour un normal. Elle nécessite donc l'élevage massif de l'insecte et des lâchers successifs. Elle ne protège pas contre une nouvelle invasion venue d'ailleurs. Elle a été utilisée contre la cératite aux îles HAWAI, en AMERIQUE CENTRALE et en ITALIE.

2.6. Agents physiologiques

Des anti-appétant arrêtent l'alimentation du phytophage (stade larvaire) et empêchent l'apparition du stade adulte. Il existe des substances chimio-stérilisantes. Mais elles rentrent plutôt dans le cadre de la lutte chimique. Celles qui ont été essayées jusqu'à présent se sont révélées cancérigènes.

On a essayé sans succès de détruire par antibiotiques les bactéries qui arrêtent la digestion des insectes.

Si on traite le dernier stade larvaire avec une hormone juvénile, on empêche la métamorphose. L'insecte effectue une mue larvaire supplémentaire et ne se transforme pas en adulte.

On a constaté également que le traitement des œufs de certains insectes avec hormone juvénile trouble le développement de l'embryon et empêche l'éclosion. Malgré les espoirs qu'elle a suscités, cette méthode n'a pas encore abouti à des résultats pratiques.

En effet, les hormones juvéniles sont chimiquement proches les unes des autres et si on les utilise, on risque de retomber dans les mêmes inconvénients que les insecticides polyvalents. Cependant, on a trouvé des substances voisines présentes dans les végétaux, mais qui n'agiraient que sur des groupes limités d'insectes.

2.7. Lutte biologique

La lutte biologique peut utiliser la faune naturelle existante, ou introduire une faune auxiliaire extérieure à l'exploitation.

La protection de la faune naturelle 

Si on veut avoir des auxiliaires, il faut qu'ils puissent vivre dont il faut qu'ils se nourrissent pour pouvoir se reproduire.

Nourrir les auxiliaires

Pour se perpétuer, il faut évidemment que les auxiliaires puissent trouver une nourriture permanente. On peut les faire manger sur des ravageurs installés dans des cultures de peu d’intérêt.

Par exemple, on peut semer des crucifères et des féveroles sur lesquelles viendront s’installer des pucerons qui serviront de nourriture aux syrphes. Les syrphes aiment d’ailleurs également les composées sauvages telles que le souci.

Ne pas tuer les auxiliaires

On peut d'abord utiliser des méthodes non chimiques :

* On peut attirer les insectes sur des plantes pièges.

* Une solution théorique serait de planter des arums qui sont très attractifs pour les cétoines. Sur ces arums, on pourrait aussi détruire ce ravageur.

* Un autre exemple : la punaise verte qui pique la tomate est attirée par le maïs. On pourrait donc planter des plantes pièges sur lesquelles on pourrait effectuer des traitements chimiques.

* On a essayé aussi de favoriser le développement des champignons entomophages en maintenant sur le verger une certaine humidité. Mais ceci est très difficile à réaliser. Il faudrait disposer d'une installation d'irrigation fixe par aspersion sur frondaison et opérer par des journées sans vent.

* Une autre tactique qui est pratiquée en AFRIQUE DU SUD, par exemple consiste à protéger les prédateurs contre leurs ennemis naturels que constituent les fourmis.

L'apport d'auxiliaires extérieures aux plantations 

Une lutte biologique contre la cochenille farineuse a été menée pendant certain temps. Autrefois, on apportait d'ESPAGNE des lots d'une coccinelle, le Cryptolaemus Montrouzieri qui est prédateur de cette cochenille farineuse. Cette coccinelle est maintenant élevée à l'Insectarium de RABAT.

Un autre auxiliaire est utilisé dans certains pays contre les acariens. Il s'agit d'un acarien prédateur : le Phytoseiulus. C'est un prédateur des Tétranyques utilisé en EUROPE sur les cultures sous serres de rosiers et de concombres. Il a été également utilisé en plein air sur le haricot.

Ce prédateur est à priori intéressant, car il s'adapte à un large éventail de température ; son taux d'accroissement est élevé et supérieur à celui du Tétranychus tout au moins dans l'EUROPE DU NORD ; il attaque tous les stades du Tétranychus. Mais il est plus sensible au soufre que le Tétranychus. Son efficacité se fait sentir 8 jours après le lâcher et elle est totale 5 semaines après.

Au bout de 20 jours, la population du Phytoseiulus dépasse celle du Tétranychus, mais elle disparaît complétement 10 jours après que le Tétranychus ait été liquidé.

Une observation curieuse a été faite par les chercheurs. Pour renforcer l'agressivité d'un prédateur, on le maintien en cage sans nourriture pendant quelques jours et on le lâche subitement sur le ravageur à combattre. Son agressivité serait ainsi bien supérieure à celle des lâchers habituels.

CONCLUSION

La lutte intégrée représente une approche moderne et respectueuse de l’environnement, combinant des techniques préventives, mécaniques, biologiques, et, si nécessaire, chimiques. Elle repose sur une compréhension approfondie des écosystèmes agricoles et sur une gestion raisonnée des interventions. L’objectif final est de minimiser les impacts environnementaux tout en maintenant une production agricole durable et rentable.





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